J’ai regardé mon père
Vous manquez d’inspiration, vous ne savez pas sur quoi ou qui écrire, regardez votre père. Il y a de nombreux livres à écrire sur un père. Rien de lui ne laisse indifférent.
Seulement nos pères nous ont transmis tellement de choses que le détachement nécessaire à l’écriture est parfois presque impossible. Mais si vous voulez écrire apprenez à observer votre père. Scrutez ses moindres détails. Tout chez lui est objet d’écriture. Regardez sa façon de croquer la noix de cola rouge au coin de la bouche entre ses dents cariées. Voyez comment il vous regarde, en clignant de l’œil, comme s’il était gêné par la fumée de cigarette. Admirez la manière dont il pose sur sa tête blanchie son bonnet de fez rouge, en équilibre précaire.
S’il est mort, comme le mien, ressortez ses vieilles photos. Il n’a rien de mieux qu’un père mort pour raconter des histoires. Ses vieux clichés en noir et blanc rongés par les mites sont une précieuse source d’informations sur nos pères. D’ailleurs moi, c’est quand mon père est mort, enterré six pied sous terre que j’ai pu réellement l’observer. En regardant une photo prise juste avant son décès, j’ai pu pour la première fois le fixer droit dans les yeux, sans sourciller ; ni risquer de croiser son regard. Et surtout, j’ai évité la baffe qu’il m’aurait immanquablement administrée s’il était vivant : « On ne dévisage pas son père. Mal éduqué ! »
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