23 juillet 2014

Le père des Orphelins de Mario Soldati

Le père des Orphelins de Mario Soldati*

Qu’est ce peut se cacher derrière la conversation subite d’Antonio Pellizzari, hédoniste invétéré et égoïste notoire, qui ne soucie que de son bonheur? L’homme cultivé et raffiné, directeur d’opéra à Milan, La Scala, décide un bon matin de tout plaquer, et transforme sa somptueuse villa en orphelinat. Le narrateur, son ami, décide d’y voir clair dans cette surprenante décision. Il découvre alors un Pellizzari miné par un profond remord : dans un passé récent, pour sauver sa réputation et son honorabilité, le néo-samaritain avait laissé mourir un gamin. « Il avait fondé un orphelinat pour les enfants inconnus, mais il n’avait rien fait pour sauver une créature, peut-être la seule au monde à laquelle il se sentait lié par la chair. Il avait abandonné cette créature à elle-même ; à sa misère, comme s’il voulait la détacher de lui, comme s’il l’abhorrait. »
Autre découverte : le narrateur retrouve chez son ami néo-converti, des boutons de manchettes qu’on lui avait volées…

Dans Le père des orphelins, Mario Soldati aborde des thèmes familiers aux lecteurs de Graham Green. Les personnages, hantés par leur passé de débauche, sont en quête de rédemption. On y retrouve aussi les motifs de Dostoïevski : ces longues confessions, mélange d’aveux insolites, de mauvaise conscience et de bonnes résolutions.
Le style de Soldati est plaisant et fluide (si j’en juge par la traduction.)
Je suis sous le charme de ce passage. Le narrateur est dans le jardin de son ami Pellizzari, attendant qu’il le reçoive :
P 94 : « … Dans un coin, sous une tonnelle, près d’une cascade rouge et jaune de vigne vierge, qui recouvrait une exèdre de pierre, des niches, des statues, des pommes de pin, se trouvait un salon en osier. Je m’abandonnais dans un de ces fauteuils. Et tout en sommeillant, je savourais encore la douceur d’un octobre lombard, qui me disais-je, était peut-être le dernier de ma longue vie.»
Je suis fasciné par ce mélange d’abandon et de sérénité devant la mort.
Avec cette nouvelle, je découvre Mario Soldati, considéré comme l’un des plus grands écrivains italiens du 20ème siècle. Né en 1906 à Turin, dans une famille de marchands de soieries, Soldati a aussi réalisé une trentaine de films, mais il n’a jamais été reconnu comme un grand réalisateur. Il est l’auteur, entre autres, de La vérité sur l’affaire Motta, La Confession, La fuite en Italie. Il meurt en juin 99.
* Le père des Orphelins, Mario Soldati, Gallimard 99, pour la traduction française

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