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A mes héros de jeunesse

Diop « Camélia » avait la main lourde et toujours un mégo à la bouche.  Le parachute se déploie. Les couleurs du pays, vert jaune rouge, apparaissent dans un ciel dégagé. C’est Dina. Tous les enfants sortent et saluent l’homme qui vole.

Le matin est une promesse qui se réalise.  Il a fait nuit. Il fait jour. Prendre un café, arroser mes plantes et sortir dans la rue. Me mêler à la petite foule devant les kiosques à journaux, dévorant les gros titres. Sentir l’odeur des corps  qui n’ont pas pris de douche au réveil. Debout, solennels, visages tournés vers les « unes ». Ils murmurent d’une voix inaudibles les titres des journaux.  Cette lecture publique ressemble à une prière en groupe. Envie d’envoyer des textos à mes confrères de la presse écrite. « Vos titres sont racoleurs, mes gars ». Non, ils dorment encore à cette heure. Ils « bouclent » tard. La « Une » c’est la page que j’aime moins dans un  journal. Ça  fait un peu télé. Elle donne plus à voir à lire. J’écoute les commentaires. L’opinion publique a une haleine fétide ce matin: « Thione Seck, tout cet argent pour quoi faire…»

Sur les trottoirs, les vendeuses de petit déjeuner se sont installées. Gargotes à ciel ouvert.  Une table, des tabourets, des rideaux sales et le tour est joué. Les commerces s’ouvrent. Ce pays est devenu un grand bazar. Tout le monde vend.  Partout sur nos trottoirs, y a que des marchands ambulants. J’accuse l’école d’avoir suscité en masse cette vocation chez les jeunes Sénégalais.  Dans tous les exercices de maths qu’on donne aux écoliers, il s’agit d’acheter et de vendre. De trouver des bénéfices, des prix de revient, de vente.

A l’école primaire, dans ma classe, les formules étaient écrites à la craie, en couleurs dans un coin du tableau noir :

Prix de vente =  Prix d’achat + Frais.

Bénéfice =  Prix de revient – frais.

Les « problèmes pratiques », il faut les trouver pour avoir droit à la récréation.

L’autre jour à Dakar, j’ai voulu acheter des tissus pour  changer les rideaux de ma chambre.  On m’a dit qu’on vend ça à la pesée. Le kilo du tisse  coûte  1500 F.  J’ai toujours pensé que le tissu se vendait au mètre. Ça doit faire un peu désordre dans la tête des jeunes écoliers qui apprennent  les unités de mesures.

Pour Diop Camélia. Le matin est une promesse réalisée. Le grelot du cheval qui revient encore décharger le gaz butane dans la boutique à coté de ma chambre que je loue à Pikine, la Banlieue sale et bondée de Dakar.  J’ai deux mois d’arriérés.  Les enfants vont à l’école. Les jours où j’avais calcul, je mettais un pull sous ma chemise. Le maitre Diop « Camélia » avait la main lourde et toujours un mégo à la bouche. Sa cravache en lanière de pneu qui fend l’air « Swwwiff »  comme un ovni atterrit sur votre dos et vous laisse des marques pour la vie.

La division, c’est l’opération pour laquelle j’ai pris plus de coups à l’école. Diviser, partager, distribuer. Je crois derrière mon incapacité à résoudre cette opération, Diop Camélia soupçonnait un relent égoïste. C’est ce qu’il cherchait  à réprimer si sévèrement. En vain ?

Diop Camélia est mort un matin, deux mois avant l’examen d’entrée en sixième. Un torticolis causé par un oreiller mal ajusté. En traversant, la route il n’a pas bien regardé le camion qui arrivait à toute allure. Evidemment, ce fut l’hécatombe pour ma classe.  Presque tous recalés. Je ne savais pas qu’un oreiller pouvait être aussi dramatique pour toute une génération.

Grand, teint foncé, pomme d’Adam saillante, Diop Camélia fumait beaucoup cette marque de cigarette sans filtre. S’il vous surprend en train de jouer au foot dans la rue, le lendemain matin vous êtes sûr d’entendre : «au tableau ! » La promesse se réalise toujours.  Diop Camélia créait ses textes de dictée lui- même,  contrairement aux maitres qui puisaient dans les annales d’examen. Il disait  qu’avant de dicter des mots à ses élèves, il doit être certain de savoir bien les écrire lui-même.  Et diable quel texte, il vous sortait. Extrait : «Au musée, l’exposition rétroperspective rassemblait à un  amas d’objets  hétéroclites : un vrai capharnaüm… ».

En dictée je m’en tirais mieux. Il me remettait ma copie avec une once de fierté et me disait : «  Zéro faute » . Je ne sais comment, il aurait vécu cette époque de textos.

Pour Dina. Un matin, au-dessus de nos têtes, dans le ciel, une tache sombre qui descend. Lentement.  Le parachute se déploie. Les couleurs du pays, vert jaune rouge, apparaissent dans un ciel dégagé. C’est Dina. Tous les enfants sortent et regardent l’homme qui vole : Ils chantent : « Dina Dina ». Ils courent pieds nus vers la base militaire de Thiaroye, le point de chute. Peut-être que le parachutiste en question n’était même pas Dina.  Mais pour nous para = Dina.

Hier, l’émerveillement d’enfant devant l’homme qui vole. Aujourd’hui, la tristesse  d’adulte d’apprendre, au  détour d’une conversation fortuite, que le héros de jeunesse est mort il y a une dizaine d’années dans une mission des Nations Unies au Congo…

Le grand saut. Sans para. La promesse se réalise toujours.


Chronique d’une mort différée

car_rapide_sur_l_av_cheikh_anta_diop_dakar-2Les cars rapides constituent le principal moyen de transport entre Dakar et sa banlieue. Ils sont impliqués dans la moitié des accidents et tuent chaque année des dizaines de gens sur les routes…

Pour rentrer chez moi le soir, j’aime bien prendre le « car rapide », ces tas de ferrailles baroques qui assurent la circulation entre Dakar et sa banlieue. A une heure tardive de la soirée, vers minuit, il y a de fortes chances de trouver votre place à côté d’un ivrogne, de prostituées usées qui finissent leur boulot plus tôt.

Le car rapide, c’est un moyen de transport convivial et franchement, ça détend après une longue journée de travail. C’est dans un car rapide que j’ai surpris un débat entre deux gars complètement bourrés. L’un conseillait à son camarade sur un ton emporté : « N’accepte jamais qu’on donne des suppositoires  à ton enfant. Ça va réveiller chez lui des désirs contre nature. Ces médicaments ont été inventés par des savants pédés pour propager leur vice… »

Mercredi dernier, j’ai été fidèle à mes habitudes de transport. Le car rapide était plein. J’ai trouvé une place dans le « salon », jusque derrière le chauffeur.

Sauf que ce soir-là, je crois que c’est le chauffeur qui était carrément ivre. Le gars a eu l’idée de faire le rallye entre Dakar et Pikine. A fond la vitesse. Résultat, il a fini sa course dans le ravin, après avoir heurté un 4×4 qui était devant lui et renversé un garde-fou en béton armé sur le trottoir. Voyant l’inévitable arrivé, le passager assis à côté du chauffeur, un jeune de homme de 20 ans, s’est précipité pour ouvrir la portière. Mal lui en prit : il s’est retrouvé coincé entre la carcasse du car rapide et la dalle du ravin. Il râlait comme un damné. Il fallait l’entendre. Il a fallu l’arrivée des sapeurs-pompiers pour le tirer de là, les jambes en miettes.

C’est le seul blessé sérieux. Le chauffeur a bien sûr pris la tangente pour éviter le lynchage. Il s’informera sans doute via la presse sur les dégâts qu’il a causés. Eh bien si tu lis ça, espèce de chauffard, sache que t’es un vrai crétin ; et dis à ton apprenti de me rembourser mes 100 FCfa, tu étais censé me conduire chez moi et pas à  la mort…

Les cars rapides sont impliqués dans la moitié des accidents et tuent chaque année des dizaines  de gens sur les routes. Mais pour la moitié des Sénégalais leur tarif est plus accessible.

On a tous failli y passer, vu l’allure avec lequel le car rapide roulait. Juste avant le choc, j’étais concentré sur mon portable en train d’envoyer un SMS à une amie cinéaste quand j’ai été alerté par un cri de terreur. Presque inhumain… Woooooy. Pour moi la mort aura ce bruit pour toujours.  C’est ainsi qu’elle s’annoncera quand elle viendra un jour toquer à ma porte.

Le lendemain matin, je me suis réveillé avec un mal de tête affreux. J’ai dû cogner la paroi du car rapide assez sérieusement au moment du choc. J’ai le crâne cabossé, mais je n’ai pas eu de traumatisme.  La preuve : je me souviens parfaitement de ma date de naissance : le 25 mars 19…  du nom de mon chat (mousmi) de mon plat favori : le riz au poisson. J’ai bu mon café en repensant à l’accident…

Ç ’aurait été bête de mourir ainsi. Je pense à tous ces gens qui une fois qu’ils auraient formulé une pensée pieuse à mon égard, auraient maugréé en silence : « Il a été vraiment idiot de prendre un car rapide à cette heure. » . « Cela ne me surprend pas, il est radin, ne prend jamais le taxi… »

Ç ’aurait été malheureux de quitter ce monde ainsi. Mourir de façon aussi insensée. Surtout pour un gars, comme moi, qui veille sur sa santé comme l’huile sur le feu.  Passer toute sa vie à surveiller son alimentation, son taux de sucre, fuir le tabac, l’alcool, faire du jogging chaque matin pour finir comme ça, quel gâchis ! Et puis si je repense à tout l’effort qu’il a fallu faire pour naître et grandir. Passer entre les mailles des programmes de planning, esquiver le palu, les épidémies… Survivre en Afrique demande une sacrée dose d’ingéniosité. J’ai toujours vu les vieillards  comme des gens diablement futés qui ont su (provisoirement) esquiver les nombreuses trappes de la mort.

Je sais qu’on ne me demandera pas mon avis ; mais je mérite une mort, plus raffinée, plus intelligente. Moi, qui suis un fervent passionné de littérature et de jazz et autres douceurs de la vie.

Ça ne me tente nullement de mourir jeune, dans la force de l’âge. Malgré ses avantages certains. Laisser un cadavre en forme. Des funérailles réussies avec la présence des nombreux collègues, des amis. La minute de silence avant le match du dimanche matin. Le morceau de tissu noir au bras des coéquipiers.

Je sais que la mort n’avertit pas. Elle viendra en invité surprise, et laissera tout en plan. Une chambre à ranger, des  livres à lire sur ma table de chevet, un blog en chantier, une dette de 5 275 F à payer au boutiquier, des pantalons à récupérer chez le blanchisseur, un paquet de manix sous mon oreiller, un crédit de 125 sur mon téléphone chinois deux puces, des films en téléchargement sur mon ordi…

La vie est une chronique inachevée.

 

 

 

 

 


L’hommage à mon chat

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Ce matin, J’ai décidé de vous parler de mon chat que j’ai baptisé Mousmi. C’est un animal sympathique tout noir. Je l’ai adopté il y a bientôt quatre ans. Je l’ai trouvé un matin de janvier devant la porte de ma chambre. Ils étaient, deux en fait, deux petits chatons, tout mignons. Deux boules de fourrure, les yeux à peine ouverts. Je les ai recueillis et placés dans une caisse en carton. Mais seul Mousmi a survécu. En fait, j’ai assassiné l’autre chaton, son frère jumeau sans m‘en rendre compte. Dans ma volonté de bien faire, je les gavés de lait de mouton. Je les nourrissais avec un petit biberon qu’ils tétaient goulûment de leurs petites langues roses. Seulement à cet âge,  les chatons ne savent pas digérer tout seuls leur repas. Il faut leur donner un coup de pouce.

J’entends d’ici les objections des lecteurs de ce blog  : « On s’en fout de toi et de ton chat, depuis quand adopter un chat est devenu une discipline sportive ? » D’accord. Mais, je veux vous démontrer que mon chat a toutes les qualités d’un grand buteur.

J’ai donc appris, en lisant un site Internet dédié aux félins, comment on s’y prend pour aider les petits chatons à digérer leur repas et faire une sieste : il faut tremper un doux tissu dans une bassine d’eau tiède et leur frotter le bas du ventre avec. Si vous faites bien attention, c’est ce que fait Mama chat avec sa langue quand elle a fini de donner le « sein » à ses petits. Un peu comme vous et moi prenons une tisane bien chaude après un repas copieux.  En tant que mère de substitution, je me suis appliqué à la tâche. Malgré toute mon attention maternelle, l’autre chaton n’a pas survécu, il avait le ventre tellement gonflé. L’indigestion était déjà à un stade critique quand j’ai commencé à lui appliquer des compresses tièdes.

Quand Mousmi est devenu plus grand, on m’a conseillé de l’amener au marché ou à une décharge publique, où il pourra se nourrir facilement. J’ai refusé catégoriquement. Même si la veille de la Saint-Valentin, j’ai pensé sérieusement à m’en débarrasser quand il a posé ses griffes sur mes chaussures en daim neuves. Mais à part ça, on s’entend bien. On m’avait dit qu’il va « pisser sur tes meubles et ça va puer le chat partout chez toi ». Tout ça, c’est de la diffamation.

Mon chat quand il a besoin de faire ses besoins, il sort dans la rue et le fait sur le sable. Et il prend toujours le soin de tout enterrer. Bon nombre d’humains n’observent pas cette mesure d’hygiène élémentaire, si j’en juge par le nombre de défections solides que j’esquive, et parfois de peu, quand je fais mon jogging matinal vers la plage. Ma course est semée d’embûches. Je passe d’un slalom à un saut d’obstacles. On m’a dit que c’est un fou qui jalonne ainsi le parcours sportif. C’est possible. Mais vu la régularité des obstacles organiques (enroulés en virgule ou en 8, lâchés sans doute au prix d’une forte poussée abdominale : on ne connaît pas l’intérêt de travailler ses abdos tant qu’on n’a pas attrapé une des têtues constipations) ; je dis donc sans ambages qu’un homme sain d’esprit et de corps aide notre fou à baliser le parcours sportif qui mène à la plage. Il faut que cela cesse. Ce n’est même pas digne d’un chat bien éduqué, comme le mien.

De retour de mon footing matinal, c’est une longue séance de décrottage qui m’attend. J’ai envie de poser une pancarte pour inviter les fous et les « normaux » à plus de civisme : « Défense de faire caca, amende 6 000 F ». En attendant, si quelqu’un a une meilleure idée, il peut toujours me dire.

Si je vous parle de mon chat aujourd’hui, c’est que je lui trouve toutes les qualités qu’on loue chez un grand sportif : il faut voir Mousmi à l’affût derrière le canapé de mon salon importé. Il peut rester concentré, replié sur ses pattes pendant des heures attendant le bon moment pour sauter sur la souris qui a eu la malheureuse idée de sortir de son trou. C’est ce qu’on appelle avoir de la détermination, du flair, le bon timing. Mousmi a tous les instincts d’un grand buteur, enfin d’un buteur de souris. CQFD. Merci de votre patience


Une vie de balle

C’est un acteur indispensable du football. Pourtant on ne lui demande jamais son avis. Qui est mieux placé que lui pour parler du jeu ?

Des coups de pied, de tête, des égratignures de crampons, des chocs contre le poteau, sur la barre. Je reçois partout des coups. C’est mon lot de ballon de foot. Ingrat peu enviable. Le jeu n’en vaut pas la chandelle, mais je n’ai pas le choix. J’encaisse. Pas du tout de repos une vie pareille : courir, bondir, sauter.

Mon parcours démarre au rond central. L’arbitre siffle, je reçois une tape amicale. Je roule ma bosse partout sur le terrain, sur les surfaces de réparation, sur les côtés. Je souffre le martyr pendant 90 mn.  Je redoute particulièrement le tacle, être pris dans une collision de jambes, je crains d’éclater comme une bulle de savon. Je ne suis que d’air, moi. Un centre tendu, c’est  plein de courbatures le soir.

J’aime bien me lover dans les bras du gardien de but : c’est mon meilleur copain sur le terrain. Quand les autres ne pensent qu’à me frapper, me chasser loin de d’eux, lui m’accueille les bras ouverts. Un tir de loin (Aie, je reçois  toute la force d’un robuste gaillard qui passe sa vie à l’entrainement) ,le gardien me capte en plein vol ;il me tient entre ses gants doux et moelleux, me serre beaucoup contre sa poitrine. Ouf ! quel soulagement.J’ai beaucoup traîne avant d’atterrir ici. Parfois, j’ai envie de repartir aussitôt arrivé, car certains de mes amis gardiens ont la manie de cracher dans leurs mains. Pouah,c’est  dégueulasse, je n’aime pas être en contact avec la salive. Bon, je sais, ils le font, pour éviter que je leur file entre les doigts,  mais je ne suis pas un traître, moi, ils n’ont qu’à bien me tenir. Permettez que je corrige d’ailleurs toutes les étiquettes déplaisantes qu’on colle à ma peau de cuir tatoué de sponsors.  Retenez bien ceci : « Je ne fais jamais de faux bond ». En tous cas, si ça arrive, visez le jardinier du stade, ce fainéant qui tond mal la pelouse… ce qui me donne du reste des contusions. On me reproche souvent de prendre « une trajectoire flottante ou fuyante, de vouloir tromper le gardien » ; c’est un mauvais procès :  vous oubliez que je ne suis qu’un simple ballon de foot, je vais là on me l’ordre d’aller.  Alors je  prie ces soi-disant commentateurs sportifs de revoir leur langage. Ils n’ont pas la moindre considération pour moi. Je ne figure même pas sur la feuille de match.  Alors que sans moi il n’y a pas de jeu.

Entre dans les bras d’un gardien de but,  c’est un court répit, un moment de détente qui ne dure jamais longtemps. Hélas, le jeu doit se poursuivre. Voici qu’il me soulève et me dégage. Je suis dans les airs, je plane.  J’aurais aimé avoir des ailes, les ouvrir grand, quand je suis en haut,  quitter le stade, laisser ce« footu » destin. Mais d’en haut, alors que  j’amorce une chute libre, je vois les joueurs se bousculer, se tirer le maillot, se donner des coups de coude, pour être  le premier à me donner un coup de tête. J’atterris sur un crane dur (bang !), et me voilà  qui reçoit un coup de pied. Ah, c’est une simple passe du plat du pied, sans gravité, je roule tranquille. Je regrette de ne pas atterrir plus souvent sur des parties plus molles du corps humain, comme la poitrine, la cuisse. Ce sont des gestes devenus plus rares dans le foot moderne.

J’aime bien quand le gazon est bien plat et bien arrosé. Je roule tranquillement, c’est comme une promenade le soir après la pluie. Sentir la terre humide sous ses pieds. Je déteste le synthétique.  Son contact est rugueux et me laisse des griffures.  En plus, ça sent mauvais, le synthétique, l’odeur du caoutchouc cramé qui vous colle au nez.

Ah   le contact avec les filets ! Quel plaisir. C’ est un vrai moment de grâce. Je suis un peu à l’oubli pendant que le stade exulte et jubile de joie. Mais, le bonheur des uns  fait le malheur des autres. C’est la loi du sport. On n’est jamais à l’abri d’un mécontent, qui vient déverser sa colère sur moi, m’assénant plusieurs coups de crampon. J’y suis pour rien, moi, fallait surveiller nos arrières…

 

Photo dessous wikimediacommons JP lavoie
Photo dessous wikimediacommons JP lavoie


Choukrane, Choukrane !

La randonnée pédestre est devenue une activité sportive tendance. A ne pas confondre avec la marche qui reste une affaire de syndicalistes, même si toutes les deux activités consistent à mettre un pas devant l’autre sur les artères goudronnées de la cité. Le marcheur arbore un brassard rouge et brandit une pancarte et est souvent fâché contre quelqu’un, le randonneur, lui, a une bouteille d’eau minérale et est habillé en survêtement. Le marcheur pense à son bulletin de salaire, le randonneur son bulletin de santé. Le premier cherche à améliorer sa condition de vie, le second espère allonger son espérance de vie. Je me demande si le sport n’est pas devenu une nouvelle forme d’expression de la citoyenneté urbaine, une nouvelle façon d’habiter la cité. Les villes d’ailleurs tracent des parcours sportifs, aménagent des aires de jeu, organisent des marathons sponsorisés par les marques prestigieuses, et les chaines de supermarché. Cette épidémie de la pratique sportive est entretenue par le culte du jeunisme. Ailleurs où le portefeuille le permet c’est à coups de botox, de lifting et autres produits anti-âge qu’on répond à ce dogme des temps modernes : garder la forme. Au grand bonheur des marchands d’illusion. Pour nous faire bouger, les gens inventent toutes sortes d’astuces. Le sport est bon pour le cœur. Ça favorise une bonne tonicité du muscle cardiaque, une bonne fixation de l’oxygène par les hémoglobines. Il prévient contre le risque d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral, etc… Il faut avoir avec soi un manuel de médecine interne pour être convaincu des vertus du sport. Pourquoi ne pas dire que ça permet d’être plus performant au lit ? C’est tellement plus simple dans un pays où il y a rupture de préservatifs un samedi sur deux. Vous verrez tout un contingent de fainéants qui pensent que vivre consiste à se visser dans un fauteuil moelleux et taper sur un clavier d’ordi, nouer leurs godasses et courir comme des damnés sur les plages de Dakar. C’est un paradoxe qui nous échappe souvent : la beauté du football n’est pas le jeu lui-même. Toute la passion de ce sport est dans la célébration du but. L’instant qui suit le tremblement des filets est un moment de transe, de jubilation. Chaque joueur le manifeste de sa manière. On a vuObameyang faire ses saltos arrière. Cavani au Psg sortir sa mitraillette. Samuel Eto’o imiter la démarche de grand-père. Le brésilien Bebeto faire le mouvement de la berceuse. La célébration du but est une digression en football. Mais, c’est le moment le plus humain de ce sport : le joueur dit qu’il n’est pas un simple dossard avec un numéro ; il sort du rectangle vert et endosse l’habit du gamin qu’il fut, du papa qu’il est devenu, de l’homme qu’il est tout simplement… Ça me fait toujours un drôle d’effet quand je regarde un match de foot à la télé reporté en arabe. Autant dire tout de suite : j’y comprends que dalle. Comme la plupart des Sénégalais, j’ai découvert l’arabe par le Coran. Un rapport de sacralité me lie fatalement à cette langue.Le matin, j’y regarde à deux fois quand le vendeur roule mon pain-thon-mayonnaise dans un papier journal écrit en arabe.Je mets du temps à réaliser que c’est un simple canard écrit dans une langue comme une autre. Il n’est pas plus sacrilège d’emballer son petit-déj dans un journal saoudien que dans Waa Sport. Le reportage sur Al Jazeera sport m’enlève petit à petit ce… sacré complexe. Choukrane, Choukrane !


Mes bouffées de chaleur et la femme qui allaite son enfant

 

Je passe par des moments d’hypersensibilité. Des moments où je suis plus réceptif au charme ambiant autour de moi. Dans la rue, je m’attarde un peu plus sur les hanches qui roulent sous les pagnes. Je mate les lisières de corsage. Je suis le parfait idiot en arrêt bouché bée devant la bonne à quatre pattes en train de frotter le carrelage. Mon regard s’accroche désespérément au rebord des jupes espérant secrètement qu’un vent inattendu vienne les soulever.

Quand vous êtes dans ces moments d’hypersensibilité, vous sentez facilement quelque chose durcir entre les jambes, comme un petit serpent qui se détend. Cela peut arrivez quand vous trouvez dans un lieu public. C’est peut être très gênant, surtout quand vous êtes habillé léger. Moi qui suis allergique au caleçon, (ça me donne des irritations), c’est une vraie source de honte. Les bouffées érectiles peuvent surprendre n’importe qui. Elles sont plus fréquentes en période de chaleur. Le froid à tendance à geler les ardeurs : quand on sort de la douche froide, ça se rétracte comme la tête d’une tortue rentrée sous sa carapace… Comme si un voleur de sexe vous avait serré la main

Parfois c’est un désir latent qui vous rend si sensible, ou vos propres souvenirs érotiques qui remontent la surface et vous prennent au piège, ou simplement un moment de lecture qui vous chauffe.

Quand ça vous arrive le matin, il faut rendre grâce à Dieu. C’est une bonne nouvelle. Les médecins disent que c’est la preuve que tout marche. Il n’y pas de « panne mécanique ». Après quand ça bloque, c’est peut-être dû à l’angoisse, au stress de la vie quotidienne.

Lundi matin, je suis debout dans le bus. Je lis, tenant d’une main un journal plié en quatre, et la barre de l’autre. Un bébé pleure, une jeune mère assise en face de moi sort un sein lourd et lui le tend. L’enfant happe goulûment le mamelon, en lorgnant autour de lui. Combien d’hommes dans le bus aimeraient être à sa place ? C’est un garçon. Comment s’appelle-t-il ? Il y a de fortes chances qu’il s’appelle «papa» C’est aussi répandu qu’une épidémie de grippe saisonnières : tous les premiers fils s’appellent « papa », et si c’est une fille c’est « mama ». A la naissance, on vous donne un nom auquel vous n’avez jamais pensé, c’est votre première crise d’identité.

Voir une femme allaiter me renvoie à mon angoisse de ne pas avoir encore enfanté. Un sentiment de défaite personnelle. Quelque part quelqu’un a réussi là où vous peinez encore à faire vos preuves. C’est aussi le même sentiment qui m’anime quand je vois dans les rues les femmes enceintes promener leur ventre rond.

Je pense que ce garçon qui tête est un premier fils. Je le vois à la nature du sein maternel. Il est encore, rond, opulent. Le téton noir foncé, droit. C’est un bébé de deux ans environ. Il prolonge les plaisirs la tétée. Il suce le mamelon et s’arrête et jette un regard circulaire autour de lui. C’est le silence dans le Tata. Il happe encore le sein et à nouveau plonge son visage dans le mamelon et s’aidant de sa main droite pour pomper le lait. C’est ça le privilège d’être arrivé le premier. Je repense au suivant et surtout au dernier de la fratrie. Le pauvre, iI héritera d’un sein flasque, comme d’une baudruche percée. A mon avis, c’est de là que viennent les haines et concurrences entre frères. Abel et Caïn, c’était rien que ça. Plus l’espace entre les deux frères est proche, plus la rivalité est intense. C’est pourquoi, il faut encourager la planification familiale.

Je vois dans la tradition qui donne à l’homme la femme de son défunt frère, la revanche d’une vieille rancune née du pillage du sein maternel par les ainés.

Je connais assez bien l’odeur corporelle des jeunes mères ; elles sentent le lait régurgité et la poudre de talc.

Je mets en cause la pub mensongère sur les produits de beauté dans le taux élevé du divorce à Dakar. Les femmes croient que leur déodorant dure effectivement 24 heures : alors le soir les maris, en plus de la fatigue accumulée dans la journée, n’arrivent pas à les supporter à leurs côtés. C’est la raison pour laquelle beaucoup d’hommes prennent une deuxième femme : pour changer d’odeur.

Revenons à nos crises érectiles, j’ai remarqué que beaucoup de gens menaient une sexualité à peu près tranquille dans les transports en commun à Dakar. Les bus bondés sont d’intenses occasions de palper une paire de fesses, de se frotter à ses nichons aguichants. Les secousses occasionnées par les dos d’ânes favorisent les changements de positions. Seuls, les idiots qui n’arrivent plus à se contrôler se font attraper. Mais que voulez-vous toute sexualité, aussi misérable soit –elle, comporte des risques.

J’écrase deux mouches en plein coït contre les pages de mon journal. Avez-vous remarqué que les insectes qui s’accouplent sont plus vulnérables, plus faciles à attraper. Ils sont tellement concentrés sur leur affaire qu’elles ne voient pas le danger arriver. L’union ne fait pas toujours la force.

 

 


Le jourgaut, la sexualité des célibataires

 

1797763541_52d2e02fce_zParmi les plaisirs pratiqués de façon assidue par les célibataires (et pas seulement) sénégalais figurent en bonne place, un exercice qui consiste à se chatouiller le conduit auditif de l’oreille avec un objet doux : le jourgaut comme on l’appelle en wolof. Vous connaissez dans doute.

Pour s’adonner au jourgaut, on peut utiliser un bout de papier, un brin d’allumette, un coton-tige ; mais les vrais connaisseurs ont recours à la plume d’oiseau. Et pas de n’importe quel volatile. Une plume de pintade, c’est l’idéal.

Mon défunt ami, le vieux Maha Diop  (Paix à son âme) était un vrai adepte du jourgaut. Ce vétéran de la Seconde Guerre mondiale qui a clamsé l’année dernière était toujours paré de sa médaille de tirailleur. Veuf depuis plusieurs années (en réalité je ne lui jamais connu de femme), c’était un inconditionnel du jourgaut. Il en connaissait les moindres secrets. Il l’élevait au rang de pratique rituelle. Il avait toute une basse-cour pour assouvir ce plaisir. Quand ça le chatouillait aux oreilles, il se levait brusquement toute activité cessante (même s’il était en pleine prière) et poursuivait de sa démarche claudicante (conséquence de la vieillesse et d’une blessure de guerre) une pintade dans la vaste cour de sa maison où il vivait seul depuis des décennies. Il attrapait sans difficulté le volatile caquetant et lui arrachait une plume tendre au niveau des ailes. Une plume comme il faut : pas trop molle, mais assez résistante pour ne pas se briser à l’effilochage. Il épluchait la plume en laissant une touffe à l’extrémité, qu’il  mouillait avec le bout de la langue ; de la façon dont on mouille un joint roulé. Les yeux fermés, le vieux Maha se plaçait alors en tailleur, le dos appuyé contre le gros manguier qui trônait dans sa cour,  plaçait la plume entre le pouce et l’index, avant de la glisser dans l’oreille de la tournoyer doucettement dans les deux sens. Plusieurs fois, j’ai surpris le vieux Maha dans cette position, les yeux fermés tout abandonné à son plaisir, passant d’une oreille à l’autre. Il ne se rendait pas compte de ma présence. Sa manœuvre était généralement interrompue par un bref frisson qui le secouait de tout son corps. Après quoi, il retirait la plume de son oreille et la mettait dans ses cheveux. Ensuite, il devenait increvable sur son passé de tirailleur, racontant des anecdotes inspirées de sa rude bataille avec les Allemands dans les Vosges.

Le jourgaut rend-il ivre ? Je sais qu’il peut procurer un plaisir égal à l’orgasme. On raconte l’histoire de ce policier à un carrefour et qui en même temps qu’il réglait la circulation se livrait à l’exercice du jourgaut ; foudroyé par l’excitation, il balança les bras dans tous les sens pour se maintenir en équilibre, créant dans la foulée des carambolages monstres, causant avec plusieurs blessés.

Je suis un adapte du jourgaut. Puisque je n’ai pas de volaille à ma portée, j’utilise le papier. Le papier le plus confortable pour l’oreille est le ticket de caisse des supermarchés, grâce à son revers lisse et tendre. A défaut, je déchire la marge d’un journal imprimé. J’enroule avec finesse le papier de journal, mordille un peu le bout pour le rendre tendre, l’humecte de ma salive et le glisse lentement dans l’oreille. Je savoure ce plaisir simple solitaire.  C’est légal et gratuit. Mais attention, l’excès de jourgaut donne des irritations. Célibataires de tous les pays à vos plumes.


Retour sur un territoire de jeunesse

Le temps semble faire des ravages inexorables. Les bâtiments décrépis montrent leur squelette de fer rouillé. Il règne une ambiance de marché dans les rues de ce vieux quartier de territoire de jeunesse aux ruelles étroites, aux volets clos, – vaine tentative pour échapper à la clameur diffuse des mégaphones. Sur ce territoire de jeunesse, aujourd’hui tout acquis au commerce, nous avions jadis délimité une espace de jeu. Nous avons joué aux « petits camps» ; aux « deux équipes », les pieds nus, tapant dans un vieux ballon de foot dégonflé.

Parcourant, il y a quelques jours, sur ces lieux, c’est moins l’écho de nos jeux passionnés qui me revient en mémoire que la voix d’une vieille mendiante qui s’asseyait à l’angle de la rue.  Ses prunelles laiteuses abritées derrière de grosses lunettes de soleil, elle campait sur le trottoir, un mouchoir blanc tendu devant elle. D’une voix puissante et douce, elle chantait une mélodie d’une rassurante ardeur. Le souvenir de cette dame (elle était déjà assez âgée à l’époque) resurgit dans le flot de mes souvenirs comme une bouée. Elle avait le teint foncé et la carrure forte. Elle sillonnait chaque matin le quartier en quête de sa pitance.  C’est l’après-midi, qu’elle s’installait à l’angle de la rue où passaient les travailleurs revenant du boulot. Nous jouions au foot de l’autre côté. Un des éléments de l’équipe entrante devait monter la garde auprès d’elle pour éviter que le ballon ne vienne à elle.

Pendant que nous jouions au foot, poussés par la passion du jeu et la nécessité de dépenser le trop plein d’énergie de nos jeunes corps, elle chantait de sa voix pleine et exaltée.

De retour sur ce territoire de jeunesse, sa voix sort du passé comme le générique d’une époque où le foot avait pignon sur rue. La poésie de sa chanson a bercé une époque d’innocence et d’harmonie sociale. C’était au milieu des années 80, avant que les néfastes programmes d’ajustement structurel ne rompent les équilibres. Dans les années 90, la dévaluation du franc Cfa, imposée par la France, a ensuite aggravé les conditions de vie des ménages sénégalais. A mon avis, les institutions de Brettons Wood ont contribué tuer le football dans nos quartiers populaires. De par sa spontanéité, sa vivacité le foot de rue est ce terreau fertile où poussent les dribbleurs. Depuis quand la Médina n’a pas produit un joueur de la trempe de « Boy bandit » ? Nos rues sont devenus des espaces de débrouille encombrés  d’étals, de « cantines » de gargotes (et pour cause les familles ruinées n’assurent plus les repas).  Vous avez pu constater que dans plusieurs quartiers de Dakar, les jeunes jouent au foot le dimanche matin où la nuit quand les commerces ont fermé.

De retour sur ce territoire de jeunesse, je ne vois plus ces pierres, ces morceaux de briques  qui délimitaient les « petits camps ». La rue été pavée, prise d’assaut par les marchands. Je ne saurais reconnaitre l’endroit où se posait la vieille aveugle. L’écho de sa puissante voix est encore présent dans ma tête. J’aurais  aimé entendre son chant dans  cette citée agitée et mutilée.. Qu’elle exalte, comme dans ma jeunesse, les vertus de patience et du courage, qu’elle chante la foi inébranlable en de jours meilleurs. J’aurai aimé voir des enfants qui jouent au foot dans nos rues au lieu de vendre de la pacotille chinoise.

 

 


Comment prier derrière «Ibrahimovic»  et «Yaya Touré» ?

Depuis l’élimination du Sénégal, un élan a été comme stoppé net dans le pays. Il y a moins d’allégresse dans l’air. Le foot n’a pas son pareil pour enflammer les cœurs. Dans les villes africaines, la victoire de l’équipe nationale met le pays en transe. On assiste à un festival de danses, à un concert de klaxons,  à un carnaval de jubilations. C’est beau de voir un peuple qui gagne.  Malheureusement l’inverse est tout aussi valable. Comme dans une fonction symétrique, la défaite entraine souvent des scènes de casse et de violences. Une déroute de l’équipe fanion et le peuple est sur les nerfs et exprime sa colère de façon irréfléchie, comme on casse de la vaisselle ou un vase, après une scène de ménage. Le dernier exemple est peut-être le Congo battu (4-2) par son voisin. Jets de pierres, pneus calcinés, boutiques défoncées ont émaillé l’après-match dans les rues de Brazza. De l’autre côté du fleuve, à la Rd Congo, la victoire a déclenché des concerts et donné lieu à des scènes de liesse populaire. Malgré leur  élimination, hier en demi, par les Eléphants un festin royal attend les Léopards chez eux. Ils seront reçus avec les honneurs au Palais de la Nation par le président Kabila, en quête d’un controversé troisième mandat.

La politique est un habile « milieu récupérateur ». Tout est bon à prendre pour se (re)faire une cote. Rappelez-vous en 88 quelle bouffée d’air frais a été pour Abdou Diouf, malmené par son opposition, la médaille olympique de Dia Ba (à l’insu du principal concerné ?).  Le sport, c’est une autre façon de faire de la politique. Surtout en Afrique.  Les performances du sportif  sur le terrain s’inscrivent sur son palmarès personnel, mais font aussi la gloire du Prince.

Revers de la médaille : une défaite sportive est très vite transformée en disgrâce politique. Un tableau d’affiche  défavorable n’indique plus simplement le score d’un match de foot ;  c’est le résultat d’une politique, le carnet de notes du pouvoir en place avec la mention « Exclu ».  Les numéros affichés sur ce panneau lumineux ont parfois plus d’incidence sur le destin d’un pays que le taux de croissance ou les indicateurs d’un Plan d’émergence économique.

Hasard du calendrier : la prochaine Can en 2017 devrait se jouer en période d’élection présidentielle. Cette coïncidence doit faire méditer. La proximité des passions sportives et politiques est souvent incestueuse.

Porter un maillot avec le nom du joueur au dos est devenue une habitude, au grand bonheur de l’industrie de la contrefaçon. C’est le signe d’une culture sportive qui envahit chaque jour un peu plus nos placards. Les lieux de culte peuvent-il être épargnés par cette tendance vestimentaire?  A la fin de la prière, vendredi dernier, quelqu’un a indiqué qu’on devrait interdire un tel accoutrement dans les mosquées. Un autre fidèle a acquiescé en signe d’approbation avant de demander ? Comment accorder à sa prière toute la concentration requise quand on a devant soi  «Ibrahimovic »,  « Yaya Touré » ?


Comment les Sénégalais se consolent après l’élimination des Lions de La Teranga de la Can

 

Ça papote à fond depuis l’élimination du Sénégal par l’Algérie-0-2.  On entend du tout à Dakar, dans les transports, sur les radios, les grands-places. Ce bavardage est une thérapie de groupe, l’art sénégalais de l’auto consolation après la défaite. Je vous livre une compilation des commentaires entendus autour de moi à Dakar.  

«C’est un complot français. Il ne fallait pas prendre un entraineur français (Giresse). Ils nous en veulent depuis qu’on les a battus  à la  Coupe du monde en 2002. »

« Moi au moins, je suis épargnépar la tension et lestress des matches des Lions. Quandle Sénégal joue, je suis dans un tel état de nerfs. Je passe par tous les stades de frayeur.  Pensez àvos  angoissespendant les attaques adverses, vos frustrations devant les occasions manquées. C’est une vraie torture pendant 90 mn.  Et  franchement cette élimination nous épargneles chocs émotionnels du 2eme tour : çafait du bien nos nerfs. »

«Il faut prendre la vraie mesurede ce qui est enjeu. Malgré les titrescatastrophés de la presse, rien n’est fichu.L’équipe nationale continuera d’exister. Si tu aimes le foot et les joueurs sénégalais, tu pourras regarder les championnats étrangers.  Après faire un montage dans ta tête : imagine que Lamine Sané à Bordeaux fait la passe SadioMané à Southampton qui donne la balle àDiafraSakho  Westham. C’est comme si les joueurs du Sénégal qui jouent, éparpillés sur des terrains différents »

« De toute façon, l’équipe nationale, c’est une arnaque. En dehors des années de Can, il y a au plus 7 matches dans l’année. C’est largement insuffisant pour bâtir une équipe de foot cohérente avec un jeu huilé. L’équipe nationale, c’est justele truc nécessaire pour entretenir le patriotisme (Tous derrière son équipe !). Et le patriotisme, c’est le bois qui nourrit le feu de la passion sportive. »

« Pour les éliminatoires on nous mettra encore du Guinée Bissau, le Bostwana, qu’on battra facilement histoire de nous remonter le moral et de nous encore donner des raisons d’y croire. »

« N’oubliez pas, il y a quelques mois le  football sénégalais était  dans les  profondeurs du classement de la Fifa.  Nous étions même pas qualifiés pour la dernière Can, éliminés par la Cote d’Ivoire. »

« Il faut prendre moins à cœur les résultats des matches de foot. Qu’est ce qui aurait changé dans le quotidien des Sénégalais si on avait gagné la Coupe ? Rien. On continuera à bouffer du riz et du riz, à payer les factures chères. On restera un pays pauvre avec beaucoup de chômeurs. »

«De toute façon, le football sénégalais est dans une phase de reconstruction. Quand on reconstruit, le mieux c’est de tout raser,  repartir de Zéro.  Cette défaite est donc un bon point de départ.»

« Pourquoi ne pas leurdire merci et tourner la page.  Ils (Les lions de la Teranga ) ont donné tout ce qu’ils avaient. Je crois qu’il faut leur dire « Merci pour tout ce qui vous avez fait, pour ces moments de plaisirs.  C’est une manière de leur reconnaître leurs mérites et leurs limites… »