Comment prier derrière «Ibrahimovic»  et «Yaya Touré» ?

4 février 2015

Comment prier derrière «Ibrahimovic»  et «Yaya Touré» ?

Depuis l’élimination du Sénégal, un élan a été comme stoppé net dans le pays. Il y a moins d’allégresse dans l’air. Le foot n’a pas son pareil pour enflammer les cœurs. Dans les villes africaines, la victoire de l’équipe nationale met le pays en transe. On assiste à un festival de danses, à un concert de klaxons,  à un carnaval de jubilations. C’est beau de voir un peuple qui gagne.  Malheureusement l’inverse est tout aussi valable. Comme dans une fonction symétrique, la défaite entraine souvent des scènes de casse et de violences. Une déroute de l’équipe fanion et le peuple est sur les nerfs et exprime sa colère de façon irréfléchie, comme on casse de la vaisselle ou un vase, après une scène de ménage. Le dernier exemple est peut-être le Congo battu (4-2) par son voisin. Jets de pierres, pneus calcinés, boutiques défoncées ont émaillé l’après-match dans les rues de Brazza. De l’autre côté du fleuve, à la Rd Congo, la victoire a déclenché des concerts et donné lieu à des scènes de liesse populaire. Malgré leur  élimination, hier en demi, par les Eléphants un festin royal attend les Léopards chez eux. Ils seront reçus avec les honneurs au Palais de la Nation par le président Kabila, en quête d’un controversé troisième mandat.

La politique est un habile « milieu récupérateur ». Tout est bon à prendre pour se (re)faire une cote. Rappelez-vous en 88 quelle bouffée d’air frais a été pour Abdou Diouf, malmené par son opposition, la médaille olympique de Dia Ba (à l’insu du principal concerné ?).  Le sport, c’est une autre façon de faire de la politique. Surtout en Afrique.  Les performances du sportif  sur le terrain s’inscrivent sur son palmarès personnel, mais font aussi la gloire du Prince.

Revers de la médaille : une défaite sportive est très vite transformée en disgrâce politique. Un tableau d’affiche  défavorable n’indique plus simplement le score d’un match de foot ;  c’est le résultat d’une politique, le carnet de notes du pouvoir en place avec la mention « Exclu ».  Les numéros affichés sur ce panneau lumineux ont parfois plus d’incidence sur le destin d’un pays que le taux de croissance ou les indicateurs d’un Plan d’émergence économique.

Hasard du calendrier : la prochaine Can en 2017 devrait se jouer en période d’élection présidentielle. Cette coïncidence doit faire méditer. La proximité des passions sportives et politiques est souvent incestueuse.

Porter un maillot avec le nom du joueur au dos est devenue une habitude, au grand bonheur de l’industrie de la contrefaçon. C’est le signe d’une culture sportive qui envahit chaque jour un peu plus nos placards. Les lieux de culte peuvent-il être épargnés par cette tendance vestimentaire?  A la fin de la prière, vendredi dernier, quelqu’un a indiqué qu’on devrait interdire un tel accoutrement dans les mosquées. Un autre fidèle a acquiescé en signe d’approbation avant de demander ? Comment accorder à sa prière toute la concentration requise quand on a devant soi  «Ibrahimovic »,  « Yaya Touré » ?

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