diambar

J’ai regardé mon père

Vous manquez d’inspiration, vous ne savez pas sur quoi ou qui écrire, regardez votre père. Il y a de nombreux livres  à écrire sur un père. Rien de lui ne laisse indifférent.

Seulement nos pères nous ont transmis tellement de choses que le détachement nécessaire à l’écriture est parfois presque impossible. Mais si vous voulez écrire apprenez à observer votre père. Scrutez ses moindres détails. Tout chez lui est objet d’écriture. Regardez sa façon de croquer la noix de cola rouge au coin de la bouche entre ses dents cariées. Voyez comment il vous regarde, en clignant de l’œil, comme s’il était gêné par la fumée de cigarette. Admirez la manière dont il pose sur sa tête blanchie son bonnet de fez rouge, en équilibre précaire.

S’il est mort, comme le mien, ressortez ses vieilles photos. Il n’a rien de mieux qu’un père mort pour raconter des histoires. Ses vieux clichés en noir et blanc rongés par les mites sont une précieuse source d’informations sur nos pères. D’ailleurs moi, c’est quand mon père est mort, enterré six pied sous terre que j’ai pu réellement l’observer. En regardant une photo prise juste avant son décès, j’ai pu pour la première fois le fixer droit dans les yeux, sans sourciller ; ni risquer de croiser son regard. Et surtout, j’ai évité la baffe qu’il m’aurait immanquablement administrée s’il était vivant : « On ne dévisage pas son père. Mal éduqué ! »


Le succès croissant du zikr

Le soir à Pikine, les jeunes de mon quartier s’adonnent au zikr. Ils se regroupent à l’angle de la rue mal éclairé par le poteau électrique et chantent les louanges de leur marabout.

Le soir, le zikr est la principale activité des jeunes des quartiers populaires de Dakar.

Le zikr finit tard dans la nuit. Si vous considérez que c’est du tapage nocturne, c’est que vous n’êtes pas prêt pour vivre dans mon quartier. La manifestation ne dérange pas grand monde. Ils sont rares, ceux qui, ici, se lèvent tôt pour aller au boulot.

Le rituel est le même. Les adeptes du zikr forment un cercle tournant autour du chanteur principal. Ils dansent sur les rythmes du khiin, ce court tam-tam au son sourd, porté en bandoulière. Ils se déchaînent, tombent en transe, pleurent, se défoulent tout en reprenant en chœur les mélodies. Les paroles font l’éloge des  marabouts, ces guides religieux très influents dans la société sénégalaise.

Le zikr en pleine rue est une création des baay fall, ces jeunes hommes vigoureux issus de la puissante confrérie mouride. Les baay fall ont un style très remarquable. Habillés en patchwork, ils ont de longues et épaisses dread locks, l’effigie de leur marabout en pendentif. Ils portent  au tour du cou des chapelets avec des perles grosses comme des cailloux de plage.  Le jour, on croise les baay fall presque partout dans les grandes artères de Dakar. Ils tendent énergiquement aux passants une petite calebasse ornée d’arabesques coraniques. Ils collectent ainsi le «adiya», le pécule qu’ils sont sensés reverser à leur guide spirituel… La nuit, les baay fall se regroupent et chantent leur marabout.

Aujourd’hui, le zikr dépasse largement le cadre confrérique. C’est un phénomène social qui amine la vie nocturne des quartiers populaires à Dakar : A Pikine, à Grand Yoff à la Médina, etc. Les jeunes s’y adonnent tous les soirs. La fièvre a même gagné les campus universitaires.

Les jeunes gens de quartiers pauvres trouvent dans le zikr un antidote contre l’oisiveté. Ils ne sont pas toujours bien vus. On les assimile souvent à des délinquants et des fumeurs de chanvre. Ce qui n’est pas totalement faux. Ce qui est sûr, c’est que le zikr leur procure une autre forme d’ivresse…

Le phénomène a ses stars. Ndiogou Afia, 28 ans, est l’une d’elles.  Elégant, l’allure fière, il a grandi à la Médina, quartier chaud de Dakar qui a vu naître Youssou Ndour, la grande vedette de la musique sénégalaise.

Ndiogou Afia a une belle voix de ténor, éraillée, presque mélancolique. Ses chansons sont inspirées des poèmes de Serigne Touba, le fondateur de la Mouridiya. Il chante aussi des thèmes plus profanes.

Les fans de Ndiogou Afia s’échangent ses sons sur leurs téléphones. C’est sa voix qui les accompagne quand ils prennent le thé pour meubler leurs longues journées. Ils la mettent dans leurs écouteurs pour se muscler sur les plages sableuses et ensoleillées de Thiaroye, le village des pêcheurs.

Le succès croissant du zikr est un symbole de la montée des valeurs religieuses dans la société sénégalaise.

Signe des temps : Ndiogou Afia est de plus en plus demandé pour animer les baptêmes et les mariages. Dans ces cérémonies, le zikr a tendance à remplacer les sabars, les traditionnelles séances de tam-tam, jugées parfois « obscènes ».


Le matin où la fille de ma voisine a été donnée à son mari et où Maha Diop est mort

Je me suis réveillé fauché ce matin.  Même pas de quoi acheter une tasse de café à 50 F. Assis sur ma terrasse, je contemple Pikine, la banlieue fatiguée de Dakar. Toujours les mêmes scènes de rue. Les hommes passent, pressés. Les enfants mendiants trainent dans les rues,  déguenillés, un vieux pot de tomate dieg bou diar* sous l’aisselle. Des cheveux faméliques, intoxiqués par le Co2 de la circulation, s’époumonent à tirer leurs charges d’ordures ménagères.

Je tue le temps en tapotant sur le clavier de mon vieil ordi acer. Je tape tout ce qui me vient à l’esprit. Sans café, il est difficile de me concentrer. En face de moi, ma chatte noire, Mousmi, sommeille sur un matelas élimé. Elle ne dort pas tout à fait ; elle me regarde d’œil malicieux à moitié ouvert, espérant des miettes d’un petit déjeuner qui ne vient pas.

Il a plu ce matin à Pikine. Le ciel est dégagé. Le soleil brille. Je n’ai pas pris encore de douche. Je n’ai pas fait ma prière de ce matin. Il est presque midi.

Mousmi se détire sur les cousins. Elle ouvre sa petite gueule de félin et tend une petite langue rose.

Sur ma terrasse, je surplombe les paquets de maisons serrées comme de grosses boites allumettes en béton. J’aurai pu me trouver n’importe où le soleil brille. A Caracas, à Manille, à Kaolack. Des bruits familiers me reconnectent à cette grouillante banlieue de Dakar. Je suis à Pikine. Aucun saint n’a béni ce quartier. Les politiciens ne s’y risquent en tant de vote. On y mène une existence ordinaire et pauvre.  Un mélange de fainéantise, d’ennui et de rêves.

Le linge que je vois tendu dans les cours des maisons était sur le dos de mes voisins hier. Sur un tee-shirt, il y a la photo de Wade, en l’envers, qui balance, comme si le vieux était pendu par les chevilles.

La chatte Mousmi a quitté son matelas pouilleux pour aller se recroqueviller sur mon vieux pull noir recyclé en serpillère. Ses allaites sont basses. Elle a mis bas il y a trois jours.  Mais elle a pris le soin de cacher ses petits quelque part dans la maison. Sinon, elle sait ce qui les attend. C’est une habitude détestable des familles sénégalaises que de jeter les petits chatons à la poubelle.

On trouve des chatons orphelins aveugles, criant à se crever l’abdomen, sur le bord de la chaussée. Ils feront le repas des chiens errants et des corneilles qui se délectent de leurs intestins.

Moi, j’attends que les petits de Mousmi soient sevrés pour les amener à la décharge du marché aux poissons. Ils seront mieux là-bas. Déjà que j’ai du mal à nourrir correctement leur mère !

Je  suis sur ma terrasse, torse nu. Je porte un vieux short en nylon rouge avec trois rayures blanches sur les côtés. Ce sont les couleurs de mon équipe de foot de quartier. Ils sont en finale pour la première fois depuis vingt ans.  Les jeunes  ont repeint tout le quartier en rouge.

Pour trouver de quoi écrire dans mon blog, je me demande souvent ce que je compte faire de ma journée. Très souvent, la réponse est rien.  Aujourd’hui, il se passe quelque chose dans le quartier. Le vieux Maha Diop est mort. Il allait dans ses 90 ans.  J’ai entendu l’annonce ce matin tin** par le haut parleur de la mosquée. Il était malade, alité depuis quelques semaines. Je ne le voyais plus passer le matin devant chez moi, sa baguette de pain en main, une médaille de guerre accrochée à la poitrine. Il marchait lentement comme le premier homme à se tenir sur ses deux jambes.   Le vieux Maha ne se séparait jamais de sa médaille. Même nu, il trouvait le moyen de se l’accrocher. Ne me demandez pas où !

Il vivait seul dans une vaste maison à l’angle de la rue. Quand nous étions plus jeunes, le vieux Maha nous réunissait dans sa cour pour nous conter ses exploits de tirailleur sénégalais.

Il difficile d’imaginer un vieux sans souvenirs de guerre. Je ne sais pas ce que nous aurons à raconter à nos petits-enfants. Nos ébats dans des cages d’escaliers ?

Après l’annonce, le haut-parleur a formulé une prière pour le repos de l’âme de Maha, lui qui n’a jamais vu la couleur des tapis de la mosquée. Il se disait athée depuis son retour de la guerre.  La mort nous fait mériter plein de choses. Le nom d’un nouveau-né dans la famille. Le témoignage pieux des voisins. Les larmes d’un collègue. Seulement, on ne vit jamais assez pour voir ces choses là…

Pour trouver quoi écrire, je pourrais aller me promener dans les rues de Pikine. Sur les étals des vendeuses au coin de la rue, je trouverai la clémentine sucrée et des oranges du pays au goût acide. Les  vendeurs peuls pèlent les oranges en rondelles avant de les décapiter d’un coup de couteau. Je trouverai les grosses pastèques vertes entassées sur le bas-côté de la route. Je me plais à les regarder comme de gros œufs abandonnés par des animaux  du jurassique, et que les hommes saccagent gaiement.

J’aime bien acheter à  25 Francs Cfa, sur les tables des vendeuses ménopausées,  des sachets de thiaf ***,  la seule denrée qui échappe à l’inflation.

Il y a un détail qui allait m’échapper. Ce matin, avant l’annonce de la mort de Maha Diop, Asta, notre voisine est entrée dans la maison, émue, pour informer que sa fille a été donnée à son mari.  En clair, sa fille a été déflorée hier nuit à l’occasion de sa nuit de noces. Bien sûr, ce sont des choses que n’annonce pas le haut parleur de la mosquée.  Imaginez un peu le muezzin réveiller le quartier avec ce genre d’annonce : « Assala mou Aleykoum****, frères musulmans, la dame Asta vous informe  que sa fille a été déflorée hier nuit par son mari… » Non ce serait un sacrilège ! (Je vous ferai un jour la liste de choses que peut annoncer le haut-parleur de la mosquée, hormis l’appel à la prière, bien sûr)

Asta s’en est donc allée faire du porte-à-porte dans le quartier, annoncer que sa fille a été  déflorée…

Mousmi est partie discrètement allaiter ses petits. Elle s’est longtemps frotté la tête contre ma cheville, ronronnant, gonflant la queue. Mais elle a finalement compris qu’il n’y aura pas de petit-déj. Il y a des matins comme ça…

 

*marque de tomate concentrée

** tôt le matin pour les Sénégalais

*** arachide grillée

**** Paix sur vous


Kerbela

Une mendiante aveugle venait chaque matin, nous étions alors enfant, chanter devant la porte de notre maison. Elle arrivait à l’heure du petit déjeuneur, quand nous préparions pour aller à l’école. Elle avait une voix puissante et douce. Sa chanson avait la tranquillité d’une berceuse et la ferveur d’une prière matinale.

On l’appelait Yaye Coumba, «la mère non-voyante», en wolof. Je crois que personne ne connait son véritable nom.  Ni où elle habitait d’ailleurs. C’était une dame entre deux âges, le teint foncé, à la carrure forte. Elle s’arrêtait devant chaque porte de maison pour entonner sa chanson mélancolique.

En famille, on fredonne encore sa vieille mélodie. C’est un air connu par tous. Yaye Coumba chantait pourtant une tragédie,  le massacre à Kerbala et le martyre du Husein, petit fils du Prophète. C’est un gros morceau d’histoire musulmane tombé dans la légende populaire sénégalaise.

La chanson de Yaye Coumba a bercé mon enfance. Son timbre puissant résonne encore en moi comme un murmure et me reconnecte à une époque, pas toujours reluisante, mais harmonieuse. C’était les années 80-90. Avant que la dévaluation du Cfa ne viennent tout saboter.

Aujourd’hui, si Yaye Coumba revenait dans mon quartier, elle ne retrouverait pas son chemin. Elle venait à l’heure du petit déjeuner, or à Pikne, ce repas est un vieux souvenir de famille. Les gargotes à ciel ouvert ont prix le relais.  Elles pullulent dans le quartier et servent une nourriture abondante.

La plupart des familles que Yaye Coumba connaissait bien où elle venait chaque matin ont quitté le quartier ; elles ont déménagé dans les coins encore plus reculés de la banlieue. A la place, il y a des immeubles à plusieurs apparts avec une sonnerie.

Et puis les gens sont devenus tellement pressés, pris à la gorge par l’urgence de la survie. Je me demande bien qui dans ce quartier à encore le temps d’écouter la mélodie d’une vieille aveugle.


Balade dans les rues de Pikine

Résumé :  En balade dans Pikine, mes souvenirs de jeunesse rejaillissent ; j’essaie de les recaser dans la réalité de ce quartier populaire de Dakar où j’ai grandi.

Pikine a un le profil assez répandu des ces quartiers populaires que l’on trouve posé à la périphérie des grandes villes, à proximité de l’autoroute à péage. Ma famille y est installée depuis les années 50. C’était, bien sûr, avant ma venue au monde. A l’époque, il y avait quelques cabanes isolées parmi une forêt d’arbres où gambadaient les singes.

Aujourd’hui, Pikine est une ardente banlieue, la plus grosse de Dakar. Il suffit de se promener dans ses rues étroites et sableuses pour constater ses maux. La jeunesse oisive prend le « Thayine », le thé local au coin de rue. A l’heure du repas, les gargotes à ciel ouvert servent une nourriture abondante, et grasse.

J’ai grandi à Pikine. Ma jeunesse (elle n’est pas terminée !)  s’est passée dans les années «d’avant dévaluation du Cfa», survenue en 94. Il me semble que, ces temps là, le quartier était plus serein, moins assailli par l’urgence de survivre.

Jusque dans les années 90, le cinéma Vox était le cœur battant de Pikine. Vox était une salle sombre, infestée de rats où flottent les odeurs d’urine, de sueurs, de chanvre indien. C’était le lieu où se retrouvaient la racaille ordinaire, les vendeurs à la sauvette, les travailleurs des usines de Dakar. Faut dire que tous n’allaient pas au cinéma avec la noble intention de regarder un film.

Le quartier vibrait aux rythmes des romances venues de Bombay, des acrobaties fantasques de Bruce Lee. Nous portions des pendentifs à l’effigie des célèbres acteurs de Bhollywood.

Les bobines arrivaient à Pikine plusieurs années après leur sortie. Elles recevaient pourtant un accueil enthousiaste. Vox, c’était le grand vestiaire, où l’on venait déposer les angoisses, les tourments, après le gros match qu’est vivre à Pikine.

Aujourd’hui, ce quartier a beaucoup changé. Le cinéma est rasé. Le terrain est acheté par un politicien ; il va y construire un immeuble avec des appartements à louer.

Le cinéma Vox était situé sur une avenue très fréquentée où je passais pour aller à l’école. Mon école primaire, elle, est toujours en place. Mais elle a été en partie transformée en collège pour répondre au boom démographique. A la sortie de l’école, mes camarades et moi, nous arrêtions devant le cinéma, laissant voguer nos imaginations sur les vieilles affiches défraichies. Car nous n’envions pas le droit d’entrer dans la salle.

Vox a laissé un grand trou dans ma mémoire. Je suis soulagé de retrouver sur cette même allée, un repère familier. C’est Mor, un habile cordonnier qui a encore son hangar en face l’ex-cinéma. Il est installé là depuis je ne saurais dire. Assis en tailleur, il répète les mêmes gestes anciens. Son visage est devenu aussi ridé, que les peaux de moutons tannées qu’il travaille. Combien de secrets-a-t-il gardé dans sa tête chenue ? S’il devait y avoir un atelier où l’on redresse le destin chaotique de mon quartier, c’est bien le hangar de Mor. Des générations de Pikinois vont venus lui commander des amulettes pour trouver un travail, pour écarter un rival, ou pour partir…


Mon blog et moi

J’ai 36 ans. Je suis pigiste dans un journal sénégalais. C’est un job mal payé. Je n’ai pas un franc en poche le 10 du mois. Je vis chez mes parents à Pikine, quartier pauvre et populaire de Dakar. C’est un endroit très animé, à l’écart de la capitale. Il y a à Pikine le strict nécessaire pour vivre et mourir pauvre et tranquille. Un marché qui vend le poisson pêché à la mer où les usines de conserve et de textile déversent leurs saletés. Une école primaire avec des enseignants en grève la moitié de l’année pour réclamer des indemnités. Des jeunes désœuvrés qui trainent dans les rues du quartier en attendant la première pirogue pour partir en Europe.

Je vous parlerai souvent de ces jeunes. Beaucoup sont morts en mer en tentant de rejoindre l’ «Eldorado». C’est pour moi une façon d’entretenir leur mémoire. Car ils n’ont pas de tombes à Pikine. Ils ne sont pas enterrés dans le cimetière. C’est un cimetière aux tombes mal maçonnées, avec des épitaphes truffées de fautes d’orthographe.

A Pikine, il y a aussi beaucoup de chats. De gros matous faméliques, chassieux, au poil rugueux, se baladent tranquillement, paire de couilles au vent, sur les toits des maisons en zinc, bâchés contre les pluies et le soleil cuisant. Chaque matin, avant l’arrivée du camion de ramassage, ces félins fouillent rageusement les poubelles à la recherche d’une improbable arête  de poisson à ronger.

Chaque matin,  à 10 heures tapantes, le camion de ramassage se pointe à l’angle de notre rue, toute sirène hurlante – en dépit des protestations outrées de ceux qui, dans le voisinage, font la grasse matinée. Quand le camion d’ordures, richement orné de dessins fantaisistes, arrive, on dirait que ce n’est pas seulement pour prendre les poubelles, mais c’est tout le quartier qu’il est venu ramasser…


Je ne verrai pas Cécile

« Une fois dans sa chambre, il jeta sur le lit son passeport, son
billet d’avion, ainsi que la valise qu’il avait préparée pour son
voyage à Paris. Son coeur était gros de désespoir. Il avait fait de
son mieux pour revoir celle qu’il aimait; mais il avait échoué sans que
ce fût sa faute. Il avait essayé de faire son devoir, mais le Destin
lui-même semblait s’acharner à le trahir. Il était accablé de
constater la stérilité des bonnes intentions, l’inutilité d’essayer
d’être légaliste.`Peut être valait-il mieux rompre définitivement
cette relation. Cécile, il est vrai, souffrirait, mais la souffrance ne
pouvait vraiment gâter cette nature  noble . Quand à
lui, peu lui importait.  il y a toujours quelque cause pour laquelle
il pourrait donner sa vie, et comme la vie ne pouvait lui réserver un
plaisir aussi profond que celui d’être avec Cécile. Il s’abandonnerait au
Destin et ne ferait rien pour le conjurer. »
J’ai travesti à ma guise ce passage d’Oscar Wilde, décrivant le
désarroi Lord  Arthur Savile.  Le contexte originel est,bien sûr,
beaucoup plus dramatique, mais ce paragraphe m’a paru très proche de
ce que j’ai vécu quand j ai été retenu le mois dernier à l ‘aéroport de Dakar  pour des raisons de signatures non conformes.
La littérature est un vaccin contre la bêtise humaine.

Je voulais rejoindre, Cécile


blog à part !

Ouvrez ce blog, vous y trouverez mes angoisses de célibataire proche de la quarantaine qui vit encore chez ses parents, mais participe aux factures et aux charges du ménage, malgré un job de pigiste mal payé. Mais si vous avez envie d’escapade  suivez-moi  dans les ruelles étroites et animées de mon quartier populaire à Pikine, dans la banlieue de Dakar. Prenez ma main, sinon vous risquez de vous y perdre. Je vous montrerai comment on vit, on pleure, on rit, on meurt, on joue dans ce coin.